Serigne Babacar Sy (rta) Héritier de lumière et guide des cœurs – 1885-1957

Naissance et origines bénies

Serigne Babacar Sy naquit en 1885 à Saint-Louis du Sénégal, fils de Cheikh seydi El Hadj Malick Sy Maodo, éminent maître soufi et fondateur de la cité religieuse de Tivaouane, et de Sokhna Rokhaya Ndiaye. Dès son plus jeune âge, il fut bercé dans une atmosphère empreinte de ferveur religieuse, de savoir et de lumière spirituelle. Sa naissance fut perçue comme le prolongement des bénédictions divines qui accompagnaient son illustre père, guide éclairé et éducateur des âmes.

Il grandit à l’ombre lumineuse de ce dernier, recevant précocement les fondements du Coran, de la jurisprudence islamique (fiqh), ainsi que de la spiritualité propre à la voie tidjane. Contrairement à nombre de chercheurs de vérité, il ne chercha point d’autres maîtres : son père demeura sa seule et unique référence, le considérant lui-même comme l’héritier naturel et spirituel de sa mission.

Une formation coranique et mystique

Éduqué dans la rigueur, mais aussi dans l’amour, Serigne Babacar Sy incarna l’alliance rare entre l’érudition intellectuelle et la profondeur mystique. Doté d’une mémoire prodigieuse, il maîtrisa très tôt le Coran, les sciences islamiques — telles que le fiqh (jurisprudence), le tafsîr (exégèse coranique), le hadith (tradition prophétique) et la grammaire arabe — tout en développant une sensibilité fine à la poésie soufie, véritable expression du cœur spirituel de l’Islam.

Il fut initié à la voie tidjane, dont le cœur est l’amour profond du Prophète Muhammad (PSL) et la fidélité au wird, formule d’invocation essentielle dans la Tarîqa. Très jeune, il manifesta des signes évidents de piété, de discipline intérieure et d’attachement aux pratiques spirituelles, passant de longues heures en récitation du Coran, en invocations (zikr) et en méditation silencieuse.

Sa formation, loin d’être uniquement académique, relevait d’une préparation divine à la lourde et noble responsabilité qui l’attendait : succéder à son père en tant que guide spirituel et porteur de la lumière tidjane.

L’accession précoce au Khalifat

En 1922, à la suite du rappel à Dieu de Cheikh Seydi El Hadj Malick Sy (Maodo), Serigne Babacar Sy fut choisi comme premier Khalife général de la Tijaniya au Sénégal. Âgé de seulement 37 ans, il fit preuve d’une maturité spirituelle remarquable, d’un charisme naturel et d’un sens profond de la responsabilité, qui suscitèrent aussitôt l’admiration et le respect. Il hérita non seulement de l’autorité religieuse, mais aussi d’une mission immense : préserver, structurer et développer l’œuvre de son père. Avec humilité, il assuma ce rôle de guide, veillant à renforcer Tivaouane comme un centre spirituel d’envergure, rayonnant bien au-delà des frontières du Sénégal.

En 1927, il fonda le Dahiratoul Kirâm, considéré comme le tout premier dahira du Sénégal. Il en désigna Soré Diouf comme président, et Mame El Hadj Mansour Sy comme président d’honneur. À travers cette structure, Serigne Babacar Sy (rta) mit en place un cadre spirituel et fraternel qui permit de solidifier les liens entre les talibés, d’organiser leur cheminement, et de renforcer leur lien avec Allah (swt) à travers les enseignements de la Tariqa Tidjane.

*Une vision intégrative

À ses disciples, Serigne Babacar Sy donnait cinq recommandations fondamentales :

Sen diine (leur religion),

Sen métier (leur gagne-pain),

Sen tariqa (leur confrérie),

Sen dahira (leur communauté),

Sen yoonu Tivaouane (leurs visites spirituelles à Tivaouane).

En 1930, le Dahiratoul Kirâm demanda une journée annuelle de rassemblement à Tivaouane. Le Khalife accepta, donnant naissance au Ziaar général. Il dira à ce propos :

« Kou fay dem melni Firaouna, booy gnibi melni Moussa. »

(Celui qui refuse de venir ressemble à Pharaon, celui qui vient est comme Moïse.)

*Un maître de sagesse

Au-delà de ses fonctions religieuses, Serigne Babacar Sy était un homme de sagesse. Ses maximes restent gravées dans la mémoire de la Ummah :

« Gor dou sopékou » – Un homme digne ne se laisse pas emporter par ses humeurs.

« Gor dou tiite ba djok daw » – Il ne fuit pas devant la peur.

« Gor dou gnaak ba sathie » – Il ne vole pas, même dans la pauvreté.

« Gor dou diakhlé ba fenn » – Il ne ment pas, même dans l’adversité.

Pour lui, la vraie spiritualité se manifeste dans la droiture, la constance morale et l’humilité.

Un khalifat exemplaire

Son khalifat (1922–1957) fut marqué par :

La consolidation de l’œuvre de Maodo,

La structuration des daaras et de l’enseignement religieux,

L’universalisation du Mawlid de Tivaouane, devenu un événement majeur de la Ummah.

*Son œuvre spirituelle

Serigne Babacar Sy enseignait par l’exemple. Ses messages reposaient sur :

L’amour sincère du Prophète Muhammad (PSL),

La pratique régulière du wird de Cheikh Ahmed Tidjane Cherif (rta),

Le respect des parents et des maîtres spirituels,

La paix sociale, la cohésion, et le rejet des divisions.

Sa personnalité

Les témoignages de ses contemporains le décrivent comme un homme :

De grande piété (taqwa),

D’une humilité profonde,

D’une générosité discrète,

Plein de miséricorde et de pardon.

Il incarnait le modèle du serviteur de Dieu, entièrement dévoué à la Oumma, habité par un amour profond pour le Prophète (PSL) et pour Cheikh Ahmad Tidjani Cherif (rta), qu’il décrivait comme un phare spirituel et une source intarissable de lumière.

*Une autorité spirituelle et sociale

Khalife pendant 35 ans, Serigne Babacar Sy allia tradition et modernité. Il encourageait :

*L’éducation,

La responsabilisation de la jeunesse,

La lucidité face aux enjeux politiques et sociaux.

Sa sagesse lui valut le respect des fidèles, des intellectuels, et même des autorités coloniales.

*La fin d’un voyage, l’éternité d’une mission

Le 25 mars 1957, en pleine retraite spirituelle à Tivaouane, Serigne Babacar Sy quitta ce monde. Sa disparition fut une immense perte, mais son héritage resta vivant à travers ses successeurs :

Serigne Mansour Sy (Borom Daraji),

Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Maktoum,

Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine,

et bien d’autres figures de lumière.

Héritage et postérité

Aujourd’hui, son œuvre continue à inspirer :

À travers les dahiras actifs dans le monde entier,

Le Mawloud de Tivaouane, haut lieu de ferveur,

Ses maximes, poèmes et enseignements, transmis de génération en génération.

Il incarne l’idéal du guide universel, alliant foi, raison, dignité et constance.

Serigne Babacar Sy (rta) fut plus qu’un khalife : il fut un pilier de l’islam soufi au Sénégal, un maître d’éthique et un bâtisseur de communauté. Sa vie rappelle que la grandeur véritable réside dans la fidélité à Dieu, la droiture morale et l’amour du Prophète (PSL).

Son héritage perdure, dans chaque cœur éclairé par sa lumière, dans chaque pas posé sur la voie de Tivaouane, dans chaque zikr résonnant dans les dahiras du monde.

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